Agadir. Je grimpe dans le bus, direction Marrakech. Seule touriste pâlotte et peu habituée aux transports en commun marocains, je m’assoie sur le premier siège vide disponible, souhaitant me faire discrète. On demande à voir mon ticket. Effectivement, je n’ai pas vu le numéro de siège. Je me relève maladroitement, récupère mon sac et lève le nez en direction de la place numéro 24.
Enfin ma place. Mon voisin me salue d’un coup de menton et d’un regard glacial en réponse à mon « bonjour ». J’aurais peut-être du dire « salam » mais je sais qu’il me comprend. Sweat bordeaux et jeans, le visage long et les traits tirés, mon fin voisin paraît coriace du haut de sa dizaine d’années apparente. Je lui décoche un petit sourire, mais il tourne la tête. Tant pis, le trajet va être plus long que ce que j’imaginais. Je mets mes écouteurs et m’occupe de la meilleure façon qui soit dans les transports en commun : dormir.
Réveil par l’agitation de mon voisin. Envie présente ou ennui, il souffle. Seulement 2 heures de route et il est comme un lion en cage. Peut-être que je ronfle ? Le chauffeur fait un stop. Il se lève brusquement, m’imposant d’être aussi réactive que lui, et je laisse enfin sortir le jeune fauve dans l’allée du bus.
Je me replonge dans les pages de mon roman quand il réapparaît ; s’arrête devant moi, puis me tend une brique de lait. Un Mixy. Apparemment une sorte de yaourt à boire… Il ne me dit rien mais me la tend du bout des doigts en me fixant de ses beaux yeux noirs.
Sa froideur et son agacement n’étaient donc pas contre moi mais l’expression d’une gêne ou par son éducation. Peut-être qu’on lui a dit de ne pas parler aux inconnus ou de se méfier des jeunes femmes voyageant en solitaire. Mais cette brique de lait, à quelques centimètres de mon visage, c’est le plus beau signe de bienveillance et d’innocence que j’ai reçu d’un inconnu.
Je lui souris et décline sa proposition mais ce geste compte plus qu’un sourire. Ce petit bout d’homme qui voyageait seul, a voulu prendre soin de moi. Trop timide et mal à l’aise par l’unique femme aux cheveux non couverts du bus, il a pensé à moi en s’achetant à boire. Je me sens bête, touchée, émotive. J’ai envie de faire quelques choses pour lui mais j’en deviens tout autant maladroite.
Le bus repart et il ne fait toujours rien. Je lui propose mon iPad pour une partie d’Angry Birds, ses yeux brillent mais comme moi, il refuse poliment. Alors nous entrons en mimétisme. Nous ne faisons rien et regardons par la fenêtre, à l’affût de la moindre communication l’un envers l’autre. Je tente quelques questions et il y répond gentiment. Les deux heures suivantes, dans un silence quasi monastique, nous portent vers la ville rouge.
Il s’appelle Aïm. Il a 11 ans. Il voyage seul et n’ose pas jouer sur mon iPad. J’ai croisé un ange.
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